Édito
Une Saison Graphique 16 persiste et signe
Notre manifestation inaugure en 2016 sa huitième édition. Une longévité que nous n’espérions pas, et qui prouve que le design graphique est capable de fédérer autour de la discipline des individus et des institutions, soutenus et portés par les projets et l’investissement des partenaires et des graphistes invités chaque année.S
S’engager pour un événement consacré au design graphique contemporain en Normandie, c’est faire un choix, c’est-à-dire porter des valeurs qui nous préexistent, et en apporter d’autres qui nous importent : rappeler, par exemple, que diffuser et exposer cette discipline, c’est croire en sa force, en sa nécessité et en sa capacité à saisir la réalité qui nous traverse pour la magnifier. Saisir le monde visible et en offrir un reflet sensible, qui immobilise le flux continu des messages par la grâce d’une transformation plastique et logique capable d’arrêter un temps – de saisir à son tour - le regard d’un public. Des spectateurs ou des lecteurs qui méritent que les images et les objets qui les entourent conservent l’ambition d’une intelligence au sens littéral du terme. Des images qui ont la faculté de réfracter le réel, comme le reflet immergé des objets lorsqu’ils transpercent la surfacede l’eau.
S’engager pour un événement consacré au design graphique contemporain aujourd’hui est parfois perçu comme une extravagance. Extravagance assumée, et que nous nous attachons à cultiver de multiples façons : il s’agit moins pour nous de montrer des affiches, des « papillons morts », pour reprendre la belle expression d’Alain Le Quernec, que d’exposer un processus et une profession. Quitte à solliciter et intégrer, comme cette année, les machines et les outils qui fondent les solutions de design et produisent les effets visuels qui distinguent le graphisme dans la communication visuelle. Quitte aussi à associer autant que possible le public dans cette démarche, en lui permettant parfois de faire à son tour, en s’appuyant sur une règle du jeu définie par les designers graphiques. Ou lui permettre de découvrir, quand c’est possible, non uniquement l’œuvre, mais également son contexte (le commanditaire, la matière,le territoire) ou ses substrats (les recherches).
Chaque nouvelle Saison graphique se construit dans la continuité des éditions précédentes, mais avec sa fine touche de nouveautés.
Comme les années précédentes, le réseau des bibliothèques municipales Lire au Havre invite un graphiste qui travaille en direction des publics jeunes : cette année, c’est Olivier Douzou qui nous joue du Pipeau au travers d’une exposition participative. Comme l’an dernier, la Maison de l’étudiant accueille en résidence un jeune studio, qui va produire avec le public la matière de l’exposition dans le cadre d’une résidence : cette année, le studio Formes Vives s’est allié à Bonnefrite pour investir les campus de l’université dès le mois d’avril. Comme l’an dernier, le FRAC Haute-Normandie interroge la frontière à la Consigne de la Gare avec les oeuvres de Gilles Furtwängler, un jeune artiste suisse qui s’empare de l’affiche et des formes du graphisme pour interroger les codes de la communication.
Les expositions de la Bibliothèque universitaire, de l’ESADHaR, du Portique et du Carré du Théâtre del’Hôtel de Ville offrent la vision d’une vraie diversité dans les approches du graphisme. À la bibliothèque universitaire, le studio lyonnais Superscript² fête ses 10 ans d’existence et propose de revisiter sa bibliothèque de formes à travers des îlots de projet, et en passant ses archives à la machine par la vertu d’un programme génératif dont ils ont le secret. Le Portique, espace de design Graphique accueille Norm, un studio de création graphique suisse qui s’appuie sur la tradition du style international suisse pour expérimenter et nourrir leur recherche formelle. L’ESADHaR, avec Open Source Publishing, donne à voir le travail d’un collectif inspiré par les outils numériques et la philosophie du libre. Dans le Carré du THV, Agnès Dahan et Constance Guisset, graphistes et designer, se réunissent à nouveau pour un projet autour d’un matériau textile, le lin.
Temps fort de la Saison, le collectif Papier Machine réunit le 21 mai au Fort de Tourneville plusieurs collectifs pour une Kermesse graphique qui permet à tous les publics, même les plus jeunes d’expérimenter, et de jouer avec les techniques de graphisme et d’impression.
Côté nouveautés, le Tétris renforce sa participation à la Saison au travers d’une soirée musicale le 21 mai consacrée au tout nouveau label Records Ruin the Landscape, mais aussi - et c’est tout nouveau – avec une exposition de Signes du quotidien, et une performance, portée par Taste and Visual, mixant cuisine et graphisme centrée sur du graphisme culinaire. Enfin, Le Jardin proposera deux soirées musicales, pauses ou escales entre deux expos.
Ce bref panorama signe bien l’esprit de la manifestation : USG n’a pas pour ambition d’exposer le design graphique, mais de le donner en partage, et ce faisant de lui permettre – c’est en tous cas ce qui nous anime depuis 2009 – de gagner en visibilité et lisibilité.